Le député Thibault Bazin a posé la question de l’évolution du régime dérogatoire de taxation TVA sur marge au Ministre de l’action et des comptes publics lors d’opérations de revente de terrain. la réponse du Ministre vient d’être publiée le 29 Septembre 2020 au Journal Officiel

 

 

Texte de la question

M. Thibault Bazin attire l’attention de M. le ministre de l’action et des comptes publics sur la nécessité de préciser les modalités d’application de la TVA sur marge sur la cession d’un terrain à bâtir. En effet, depuis la réforme de la TVA immobilière en 2010, les aménageurs calculent la TVA sur la vente de terrains à bâtir qu’ils ont acquis sans droit à déduction de la TVA, suivant le régime de la TVA sur marge défini par l’article 268 du code général des impôts (CGI). Cette application du régime de TVA sur marge est contestée par la doctrine administrative, qui a toujours exigé, outre l’absence de droit à déduction de la TVA lors de l’achat du bien, l’identité juridique entre le bien acheté et le bien vendu. Autrement dit, pour que la TVA sur marge soit justifiée lors de sa vente, l’administration exige qu’un terrain à bâtir ait été acquis en tant que terrain non bâti ; à défaut, la TVA doit être calculée sur le prix total. Or l’arrêt du Conseil d’État (Promialp n° 428234) du 27 mars 2020 vient de confirmer la doctrine administrative en affirmant que la TVA sur marge ne peut s’appliquer pour la vente de terrains à bâtir antérieurement acquis comme terrains bâtis, interprétant la portée de l’article 268 du CGI de manière beaucoup plus restrictive que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cette restriction du recours au régime de TVA sur marge méconnaît la réalité des opérations d’aménagement ou de construction qui tendent, du fait des politiques publiques, à être développées dans des secteurs déjà urbanisés et ainsi sur des terrains déjà bâtis. Elle pénalise en outre l’ensemble du secteur de l’aménagement et de la construction, déjà fortement perturbé par la crise sanitaire que vit le pays. Cette interprétation pourrait avoir des effets conséquents comme la dégradation du bilan économique des opérations en cours de réalisation remettant en cause leur faisabilité, une inflation mécanique du marché foncier contrariant ainsi les politiques publiques en faveur du logement abordable et de la sobriété foncière et enfin la perte de recettes fiscales des collectivités territoriales, qui ne pourraient alors plus percevoir les droits de mutation sur les ventes de terrains, impactant proportionnellement leur capacité d’investissement future déjà fortement dégradée. Il lui demande donc si le Gouvernement a l’intention de permettre l’application du régime de TVA sur marge lors de la revente d’un terrain à bâtir, acquis comme terrain bâti, dès lors que son acquéreur a manifesté son intention, préalablement à son acquisition, de le transformer en terrain à bâtir et que cette acquisition ne lui a pas ouvert un droit à déduction de la TVA.

 

La réponse du Ministre:

L’article 392 de la directive n° 2006/112/UE relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) autorise les États membres à taxer sur la marge les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition. Cette faculté transposée par la France à l’article 268 du code général des impôts (CGI), constitue une dérogation au principe selon lequel la TVA doit normalement s’appliquer sur le prix total de la vente. La mise en œuvre de ce régime dérogatoire de taxation suppose que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à sa qualification juridique. En conséquence, la mesure qui conduirait notamment à appliquer le régime de la marge lorsqu’un opérateur acquiert un immeuble bâti, puis procède à sa destruction avant de la revendre en tant que terrain à bâtir, ne serait pas conforme au droit communautaire régissant la TVA. L’extension du régime de taxation sur marge à des opérations immobilières qui n’y sont pas éligibles entraînerait une érosion substantielle de l’assiette de la TVA et, par voie de conséquence, une perte de recettes pour l’Etat. Par ailleurs, la condition d’identité juridique été confirmée par le Conseil d’État dans une décision rendue le 27 mars 2020 (n° 428234, Promialp). Il résulte résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) que la qualification juridique de terrain à bâtir, définie par les États membres, doit reposer sur un critère objectif et ne peut pas dépendre de l’intention de l’acquéreur. En France, depuis la réforme de la TVA immobilière intervenue en 2010, le 1° du 2 du I de l’article 257 du CGI définit le terrain à bâtir comme tout terrain sur lequel des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme, d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, d’une carte communale ou de l’article L. 111-3 du code de l’urbanisme. Ainsi, les intentions de l’acquéreur du terrain et l’emploi qui en est effectivement fait sont sans incidence sur cette qualification.

 

Référence du texte: http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-30676QE.htm